Quelques chefs-d’oeuvre anciens en décembre

[25/11/2014]

 

Quantitativement moins dense que les vacations d’après-guerre et contemporaine, moins médiatisées et moins rentables pour les grandes pour les sociétés de ventes, les vacations d’art ancien recèlent quelques chefs-d’oeuvre dignes des plus grands musées mondiaux. De Van Dyck à Tiepolo, voici une sélection des meilleures oeuvres proposées en décembre, du haut de gamme à des prix néanmoins plus abordables que la fine fleur du marché contemporain.

Traditionnellement, les deux sociétés de ventes leaders Christie’s et Sotheby’s choisissent Londres et le début du mois de décembre pour leurs cessions de prestige de Maîtres anciens. Christie’s ouvre le 2 décembre au soir avec une sélection de 36 oeuvres de la Renaissance du Nord à l’âge d’or hollandais, dont un remarquable portrait par Anthonius VAN DYCK du célèbre musicien Hendrick Liberti. Cette œuvre, qui fit partie de la collection du roi Charles Ier, est attendue entre 4 et 5,4 m$. Elle pourrait intégrer le Top3 des adjudications de l’artiste, qui signait son enchère record en 2009 avec un autoportrait cédé l’équivalent de 12,1 m$ chez Sotheby’s Londres. L’autoportrait en question était au départ estimé dans la même gamme de prix que le portrait de Liberti annoncé le 2 décembre. Raison principale de l’envolée de l’autoportrait en 2009 : son sujet, la représentation de l’artiste par lui-même assurant une plus-value importante dès lors qu’il s’agit de figures iconiques. Le portrait d’Hendrick Liberti par Van Dyck est le choix le plus prestigieux de la vente Christie’s qui propose par ailleurs, une seconde toile de Van Dyck, 10 fois moins chère, puisqu’il s’agit d’une étude, celle d’un homme à la collerette d’une redoutable modernité dans la liberté de la touche. Ce portrait d’homme est proposé entre 300 000 et 470 000 $… il serait donc deux fois moins cher que l’oeuvre du jeune artiste Seth PRICE (né en 1973) vendue le 12 novembre dernier à New York (Vintage Bomber vendue 785 000 $ frais inclus). Il est vrai, le meilleur de l’art ancien est parfois plus abordable que les artistes émergents en vogue à New York.

Autres lots phares du 2 décembre ; une représentation sereinement poétique d’une côte néerlandaise par Willem II VAN DE VELDE (1633-1707); A kaag and other vessels off an inlet on the Dutch coast (1661). Cette œuvre, demeurée dans la même famille depuis une soixantaine d’années, n’a pas été exposée depuis 1954. Christie’s en attend entre 1,8 et 2,8 m$. Signalons encore une toile saisissante intitulée The Good Shepherd de Pieter II BRUEGHEL. Cette huile sur panneau de 40 x 54.6 cm. Attendue entre 1,2 et 1,8 m$, elle serait alors deux fois plus chère que la version vendue en 2006 par Christie’s New York (The Good Sheperd, adjugée 600 000 $ le 6 avril 2006). Au total, quatre oeuvres de Pierre Brughel sont offertes à Londres, dûment partagées entre Christie’s et Sotheby’s, qui donne sa vacation de maître ancien le 3 décembre.

Le lot phare de Sotheby’s est signé Joseph Mallord William TURNER (1775-1851). Il s’agit de Rome, from Mont Aventine, l’un des rares paysages encore en mains privées, une oeuvre magistrale représentant Rome depuis la colline de l’Aventin, qui fut exposée à la Royal Academy en 1836. Le sujet, la qualité d’exécution et l’état de préservation de cette toile de près de 200 ans sont annoncés comme autant de caractéristiques exceptionnelles venant nourrir la plus importante fourchette d’estimation de ces ventes d’art ancien : Rome, from Mont Aventine devrait se vendre entre 24 et 32 m$ et intégrer le Top3 des meilleures enchères de Turner.
Un majestueux Canaletto (Giovanni Antonio CANAL), un faune et sa famille de Lucas Cranach l’ancien (Lucas I CRANACH), une nature morte d’Adriaen COORTE font partie des joyaux du 3 décembre, joyaux dont les prix devraient osciller entre 2 et 11 millions de dollars. Or, ce niveau de prix est aussi rare que les oeuvres anciennes. La majorité des toiles offertes lors des ventes de jour de Christie’s et Sotheby’s – des oeuvres séculaires issues d’écoles prestigieuses ou de petits maîtres talentueux – sont abordables entre 5 000 et 50 000 $.

Londres s’est imposée comme une capitale prestigieuse pour la vente d’oeuvre anciennes. Mais les chefs-d’oeuvre parviennent trop rarement à gagner Paris. Ce sera pourtant le cas le 17 décembre 2014, puisque la société de ventes Pierre Bergé & associés annonce l’arrivée d’un Giovanni Battista TIEPOLO (né à Venise en 1696- mort à Madrid en 1770) à Drouot. C’est pour tout dire la neuvième fois qu’une toile de ce grand maître de la peinture baroque vénitienne est présentée sur la place de marché parisienne en 25 ans. Or, l’oeuvre en question n’est pas des moindres : il s’agit d’un Portrait d’homme au manteau bleu (86x58cm). L’oeuvre émerge sur le marché à un moment clef, car les Musées du Capitole présentent à Rome une exposition de dessins préparatoires de Tiepolo (Rome. Musei Capitolini. Palazzo Caffarelli. Piazza del Campidoglio, jusqu’au 15 janvier 2015). De quoi redorer le blason de Drouot si les collectionneurs sont au rendez-vous.

Si les ventes de prestige de Londres présentent seulement 79 lots en deux soirées, les cessions contemporaines de novembre étaient deux fois plus denses… Les pièces sont rares mais les grandes sociétés de ventes parviennent toujours à trouver quelques joyaux encore en mains privées. L’art ancien demeure un enjeu majeur, tant pour le prestige des grandes sociétés de ventes que pour la récompense économique. La vente d’art ancien a en effet généré plus d’1 milliard de dollars aux enchères l’an dernier, soit 8,5 % du marché global. L’art contemporain tient, quant à lui, 14 % du marché (année 2013).