Le Top d’Europe. Chapitre 5 : l’Espagne
[07/11/2014]
Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Cette semaine, nous vous livrons les 10 meilleures enchères espagnoles, lesquelles témoignent d’un marché considérablement ralenti.
Rang | Artiste | Adjudication | Oeuvre | Vente |
1 | Juan GRIS | 3365844$ | Le violon (1914) | 1990-03-22 Edmund Peel MADRID |
2 | Hermenegildo ANGLADA CAMARASA | 3312660$ | El Casino de Pars (1900) | 2006-10-04 Christie’s MADRID |
3 | Dom. Theotokopoulos GRECO EL | 2632355$ | El Expolio | 1991-10-30 Edmund Peel MADRID |
4 | MICHELANGELO | 2052000$ | A man seated in profile, Reading | 2014-01-28 Subastas Galileo MADRID |
5 | Joaquín SOROLLA Y BASTIDA | 2021838$ | Francisqueta, figura de pescadora valenciana | 1990-11-22 Edmund Peel MADRID |
6 | Joaquín SOROLLA Y BASTIDA | 1893287$ | La vuelta de la pesca (1908) | 1990-03-22 Edmund Peel MADRID |
7 | Luis MELENDEZ | 1518333$ | Percide, cebollas, harra/Bodegon : carne, huevos, toma (1778) | 1991-10-29 Edmund Peel MADRID |
8 | Miquel BARCELO | 1401510$ | Bibliotheque avec Poe (1983) | 2006-10-04 Christie’s MADRID |
9 | Dom. Theotokopoulos GRECO EL | 1264050$ | San Lucas (c.1600-1614) | 2005-10-05 Christie’s MADRID |
10 | Dom. Theotokopoulos GRECO EL | 1049400$ | Santiago el Mayor (c.1600-1614) | 2005-10-05 Christie’s MADRID |
Le marché de l’art espagnol souffre et aurait besoin d’un grand dépoussiérage. Crise économique lourde et trainante, TVA explosive à 21 % sur les oeuvres d’art (malgré un abaissement il y a quelques mois à 10 % pour les artistes et contre 10% en France et en Italie, 7% en Allemagne, et 6% en Belgique), sous-alimentation en oeuvres haut de gamme… le marché de l’art espagnol connait une crise profonde à contre-courant des records du marché de l’art actuel.
La moitié des adjudications de ce Top prouve que l’Espagne est loin d’avoir ne serait-ce que renoué avec le niveau d’enchères atteint au début des années 90 : 5 des 10 meilleures enchères remontent en effet à la période 1990-1991, dont le record espagnol atteint par Le Violon de Juan GRIS. Le Violon, un grand collage historique de 1914 porte le record espagnol à 3,36 m$, lorsque l’artiste culmine à 4,36 m$ en France (Le Violon, 1913, vente Christie’s Paris & Pierre Bergé du 23 février 2009) et surtout à 50,7 m$ à Londres (Nature morte à la nappe à carreaux, Christie’s, 4 février 2014).
Le marché espagnol reste ancré sur ses valeurs sûres : l’art ancien ainsi que les XVIIIème et XIXème siècles demeurant les périodes de création les mieux représentées du marché haut de gamme. Or, on ne peut évoquer les maîtres anciens espagnols sans mentionner Domenikos Theotokopoulos dit El Greco qui, malgré sa nationalité grecque, occupe une position de choix dans l’histoire de l’art hispanique. Parmi les 35 toiles passées en salles des ventes depuis 1991, quatre se sont vendues en Espagne et trois font partie de ce Top.
Néanmoins, la rareté et le prestige d’une signature comme celle du Greco ne sont pas des critères suffisants pour les aficionados de l’art ancien. Les toiles doivent être irréprochables (qualité, sujet, provenance, état de conservation) pour atteindre des montants à six ou sept chiffres. De plus, les toiles les plus chères et les plus médiatisées ne sont que le sommet de l’iceberg et les salles des ventes regorgent d’oeuvres anciennes réalisées par des artistes méconnus ou non identifiés, des « Ecoles » ou des « Cercles de ». La signature de Luis Tristan par exemple, élève surdoué d’El Greco mais plus confidentiel que son maître, était accessible autour de 45 000 $ le 21 novembre 2012 à Séville avec un majestueux portrait de Saint Pierre en prière (San Pedro chez Arte y joyas)… il ne s’est pourtant pas vendu.Au début de l’année 2014, ce n’est pas un Greco mais un dessin de Michelangelo qui arrivait sur le marché espagnol : une rareté qui n’atteignait pourtant que son estimation basse de 2 052 000 $ (A man seated in profile, Reading chez Subastas Galileo, Madrid). Ce petit chef-d’oeuvre au fusain aurait certainement gagné un ou deux million de plus à être vendu à Londres.
Le manque de dynamisme du marché espagnol passe aussi par la faiblesse de l’art des XXème et XXIème siècle : outre Le Violon de Juan Gris, la Bibliotheque avec Poe (1983) de Miquel Barcelo est la seule œuvre « récente » millionnaire. Pourtant, les artistes espagnols de renommée mondiale ne manquent pas : quid de Pablo Gargallo, de Julio Gonzales, d’Edouard Chillida, de Salvador Dali, de Joan Miro, d’Antonio Saura, d’Edouardo Arroyo ? Le marché espagnol pourrait être alimenté mais les oeuvres plus importantes partent se vendre ailleurs.
Ce marché fragile, vacillant depuis plusieurs années a vu les intentions d’achats s’essouffler de façon considérable à cause de la crise économique, du manque de liquidités et d’un climat d’incertitude général. Parallèlement, l’offre tend à s’étioler car la place de marché espagnole n’est pas intéressante lorsqu’il s’agit de vendre ses oeuvres au meilleur prix. La logique des collectionneurs souhaitant se défaire d’une oeuvre majeure dans les meilleures conditions les portent à s’adresser à Paris, Londres ou New York plutôt qu’à Madrid… la forte TVA espagnole participe aussi à l’enlisement des transactions.