L’art contemporain africain, en France et ailleurs

[14/10/2014]

 

Expositions d’envergure depuis la fin des années 80, accélération de la visibilité depuis le début des années 2000, constitution de collections de grande envergure, développement des instituions locales et premières ventes aux enchères spécialisées entre Londres, New York et Paris depuis les années 2009-2010… la scène africaine contemporaine s’installe avec de plus en plus de vigueur sur le marché de l’art.

Les grandes sociétés de ventes suivent avec intérêt les contemporains africains. Mieux, elles participent à leur émergence et à leur rayonnement international. Les résultats non pas toujours été concluant, surtout dans les premiers temps. Parmi les précurseurs sur ce terrain, citons la maison de ventes française Gaïa (depuis 2007) et le rendez-vous annuel de la session Africa Now, lancé en 2009 par Bonhams Londres. L’engagement de ces deux sociétés est exemplaire et perdure. D’autres ont tenté d’accélérer le mouvement en 2010, année des premières ventes dédiées à la scène contemporaine africaine chez Pierre Bergé (Collection Jonathan Zebina, Un regard autodidacte, du nouveau réalisme à l’avant-garde africaine), Artcurial (Africa Scenes) mais aussi chez Phillips de Pury & Company New York (Africa)… avec un succès souvent mitigé et de fort taux d’invendus.
Ces ventes répétées ont néanmoins permis d’assoir les noms et les constructions de cote d’artistes tels que Chéri SAMBA et William KENTRIDGE, El ANATSUI, Yinka SHONIBARE, Romuald HAZOUMÉ, Skunder BOGHOSSIAN, Bruce ONOBRAKEPEYA, Soly CISSÉ, Cheri CHERIN, Yusuf GRILLO ou Benedict Chukwukadibia ENWONWU.

La rentrée africaine d’octobre s’est joué cette fois à Paris, avec la vente African Stories, Art Contemporain Africain de Piasa (le 7 octobre 2014), dont le commissaire général n’est autre qu’André Magnin, qui a constitué puis dirigé la fameuse collection Pigozzi et organisé de nombreuses expositions, parmi lesquelles Out of Africa à Londres, African Art Now à Houston, 100 % Africa au Guggenheim de Bilbao.
Les signatures phares de cette vente sont Frédéric BRULY BOUABRE, poète et dessinateur ivoirien né en 1921 ou 1923 et décédé en janvier 2014. Bouabré est à l’origine de l’ « alphabet Bété », une écriture inventée. Il accéda à une reconnaissance internationale lors de sa participation à la fameuse exposition Les Magiciens de la Terre, à la Tate Modern de Londres en 2010 et récemment à la Biennale de Venise 2013. Malgré sa notoriété, Bouabré n’avait pas encore passé le seuil des 8 000 €/$ aux enchères mais Piasa proposait ce 7 octobre, une œuvre majestueuse, composée de 150 dessins réalisés aux crayons de couleur et stylo bille (chaque dessin signé et daté au dos, 14,3 × 10,7 cm). Une œuvre de grande envergure intitulée Les liens sacrés du mariage et estimée entre 100 000 et 120 000 €. Une telle proposition s’avérait d’autant plus intéressante qu’elle porte le prix de chaque dessin à moins de 700 euros quand chaque feuille de Bouabré cote habituellement plus de 1 000 euros.
Cette vente ne pouvait compter sans Chéri SAMBA. Piasa en offrait trois, dont une toile de sa fameuse série J’aime la couleur (2004), attendue pour un record entre 70 000 et 90 000 €/$ et vendue dans son estimation (77 420 euros frais inclus). J’aime la couleur reste la série est la plus cotée de Samba depuis 2008. Jean Pigozzi en tient une dans ses collections. Comme Bouabré, la carrière de Samba prend une tournure internationale à partie des Magiciens de la terre. Comme Bouabré, il a exposé à la Biennale de Venise (lors de la 52ème édition en 2007). Comme Bouabré enfin, de nombreuses oeuvres, en dehors des séries phares, sont accessibles pour moins de 5 000 €/$ aux enchères.

Parmi les autres artistes les plus cotés : Billie Zangewa (née en 1973) a atteint 16 000 € avec Sweet dreams, 2010 et Romuald Hazoumè (né en 1962) décroche 10 000 € pour Aspirant chef. Plusieurs invendus sont à déplorer au-delà de 10 000 €.

Pour moins de 10 000 €, les amateurs ont eu accès à des artistes tels que MOKE, Pathy TSHINDELE (née en 1976), Gérard QUENUM (né en 1971) et les jeunes Steve BANDOMA (né en 1981) et Chiurai KUDZANAI (né en 1981).

Le marché de l’art contemporain africain offre ainsi des prix encore raisonnables – notamment en regard de l’art africain traditionnel ancien – et des figures maîtresses très accessibles. Car la validation de l’art contemporain africain n’est plus à faire. Ne lui manque qu’à gagner véritablement sa place sur le marché de l’art international.