Picasso et Giacometti, de Paris au Qatar

[06/12/2016]

L’exposition de deux géants, celle de Picasso et de Giacometti, ouverte pendant l’automne 2016 au Musée National Picasso de Paris (jusqu’au 5 février prochain) migrera à Doha au début de l’année 2017. Cette réunion des deux génies de l’art moderne est une première, une exposition hors les normes réalisée grâce à un prêt exceptionnel de la Fondation Giacometti, à celui de quelques grands collectionneurs internationaux, et grâce à la vision de Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti et co-commissaire de l’exposition.

De la rencontre de ces deux géants du XXe siècle, remontant à l’année 1931 par l’entremise de Miro, naquit des échanges amicaux, dont nous retrouvons les traces dans les carnets personnels de Alberto GIACOMETTI (1901-1966), et des échanges artistiques autour de l’évolution de leurs œuvres, de leur capacité à repousser les limites de la figuration et de la représentation en général. L’intérêt fut donc réciproque et non unilatéral, malgré les 20 ans séparant les deux artistes et malgré le fait que le jeune trentenaire Giacometti faisait déjà face au plus célèbre artiste du siècle. L’année de leur rencontre se teinte de leurs recherches plastiques surréalistes, prégnantes à l’époque. Giacometti fait partie du groupe Surréaliste fondé par Breton tandis que Pablo PICASSO (1881-1973) préserve son indépendance, tout en explorant les vastes possibilités de ce nouveau territoire plastique et mental. L’exposition Picasso-Giacometti révèle les similitudes entre les œuvres réalisées durant cette période surréaliste. Mais pas seulement, car l’exposition se développe sur huit chapitres, depuis l’autoportrait jusqu’aux influences étrangères (Cyclades, Afrique, Océanie, etc.).

Il n’est pas anodin qu’une exposition si prestigieuse nous conduise de Paris au Qatar, le riche état minier réalisant là un nouveau défi culturel. Une centaine d’œuvres de Picasso et de Giacometti seront exposées à Doha, du 22 février au 21 mai 2017 au centre Fire Station, et parmi elles, des œuvres aussi emblématiques que La Chèvre de Picasso (1950) et la Grande Femme de Giacometti (1960). Rappelons que ces deux génies de l’art moderne font l’objet de toutes les surenchères sur le marché de l’art, notamment pour les qataris. La famille royale du Qatar, l’un des collectionneur les plus actif de la planète, est friande des grandes signatures de l’art moderne occidental. L’Autorité des Musées du Qatar (AMQ) placée sous le patronage de la Sheikha Al-Mayassa a acquis de nombreux chefs-d’oeuvre ces dernières années, débloquant quelques milliards de dollars à cette fin. Les collections de l’AMQ se sont enrichies de quelques-unes des œuvres les plus chères de la planète, dont le White Center de Mark ROTHKO (1903-1970) acheté 72,8 m$ en 2007, ou les Joueurs de cartes de Paul CÉZANNE (1839-1906) payés plus de 250 m$ (source Vanity Fair, Alexandra Peers, Qatar Purchases Cézanne’s The Card Players for More Than $250 Million, Highest Price Ever for a Work of Art, 2 février 2012). La famille royale du Qatar construit depuis quelques années sa politique culturelle en développant activement son « soft power », afin de se positionner comme un pays leader en matière d’offre culturelle et de multiplier le nombre de touristes. Les deux piliers de l’art moderne que sont Picasso et Giacometti comptant parmi les artistes les plus cotés de la planète, les exposer s’avère particulièrement approprié en matière de développant de l’économie muséale Qatari.

L’ambition de modernisation du Qatar prend forme, année après année, exposition après exposition, musée après musée. Bientôt, le Qatar inaugurera son Musée National : 40 000 mètres carrés dessiné par l’architecte français récompensé du prix Pritzker Jean Nouvel. Une autre inauguration particulièrement attendue, puisque l’attractivité des musées passe aussi par la qualité de leurs enveloppes extérieures.