Les résultats de Londres en demi-teinte

[10/10/2017]

Christie’s a vendu 83% des œuvres annoncées à son catalogue du 6 octobre dernier, mais pas la toile la plus attendue de la saison, la seconde version de Study of Red Pope de Francis Bacon est restée sur le carreau.

En pleine émulation de la Frieze art week : Christie’s avait ardemment oeuvré pour faire de sa vente d’art d’après-guerre et contemporain du 6 octobre une véritable réussite, notamment en mettant aux enchères deux icônes de l’art de XXème siècle Francis BACON et Jean-Michel BASQUIAT, deux artistes parmi les plus cotés de la planètes, deux artistes parmi une dizaine dans le monde dont les œuvres se sont déjà envolées plus de 100 millions de dollars dans le cadre de ventes aux enchères. Le résultat final de 130 m$ pour cette vacation du 6 octobre est certes honorable, Christie’s espérait néanmoins emporter 100 millions de plus grâce à Bacon…

Le clou de la vente était en effet Study of Red Pope, un sujet inédit réunissant en une seule toile les deux personnages phares dans l’œuvre du peintre britannique, ses ”deux plus grandes obsessions” pour reprendre la formule de Christie’s, à savoir son amant George Dyer et le Pape Innocent X. La toile, qui n’avait plus été révélée au public depuis 45 ans, faisait l’objet d’un catalogue indépendant de pas moins de 156 pages, un effort digne d’un morceau d’histoire de l’art attendu entre 80 et 100 millions en moyenne. Mais les enchères n’ont pas grimpé si haut, s’arrêtant nettes à hauteur de 75,8m$ (58 m£).

L’autre lot phare, la toile Red Skull de Basquiat eut plus de succès, car dans des niveaux de prix bien inférieurs. Estimée entre 12 et 18 m£, elle est partie dans sa fourchette d’estimation, à 16,5 m£, soit 21,5 m$, alors que Christie’s ne trouvait aucun acheteur en 2009 prêt à la payer dix fois moins chère il y a huit ans (Red Skull fut ravalée en juin 2009 avec une estimation basse de 2,5m$). C’était pourtant une affaire à l’époque, mais 2009 fut une année sombre pour un marché de l’art haut de gamme pris dans la tourmente de la crise financière post-Lehmans & Brothers. Ce Red Skull de Basquiat emporte la palme de l’oeuvre la plus onéreuse de cette semaine d’enchères, Sotheby’s culminant pour sa part à 8,47m$ pour une large toile sans titre de Cy TWOMBLY exécutée à Rome en 1962.

La déconvenue du Bacon ne saurait balayer une salve de bons résultats, à travers de nouveaux records emportés chez Christie’s pour les artistes Grayson Perry, Amy Sillman, Tony Bevan, David Salle, mais surtout pour Antony GORMLEY, dont la sculpture A Case for an Angel I (1989) est emblématique. Elle répond en effet à L’Ange du Nord, la plus grande sculpture d’Angleterre installée à Gateshead : avec ses 200 tonnes, ses 20 mètres de haut et ses 54 mètres de large (1994-1998), L’Ange du Nord, est un point de ralliement, un symbole fort qui valu à Gormley d’être reçu au sein de l’Ordre de l’Empire Britannique pour services rendus à la sculpture. La version offerte par Christie’s, A Case for an Angel I, déployaient ses ailes de métal sur près de neuf mètres d’envergure. Cette œuvre muséale est désormais la propriété, pour un peu moins de 7m$ (5,3m£), du jeune collectionneur japonais Yusaku Maezawa, le même qui déboursait 110,5m$ pour une toile de Jean-Michel Basquiat, le 18 mai 2017 à New York (Untitled, 1982). Dans la foulée de son enchère gagnante, Yusaku Maezawa postait sur Instagram “A Case for an Angel 1 is coming to our museum”, évoquant son musée situé à Chiba.

Quelques heures avant cette grande vacation, Christie’s générait 42m$ pour sa vente dédiée à l’art Italien, avec Lucio FONTANA, Alberto BURRI et Michelangelo PISTOLETTO emportant chacun des enchères millionnaires. La veille, Sotheby’s enregistrait 66,5m$ pour sa vente d’art contemporain et 24,3m$ pour sa vente d’art Italien, des résultats bien en-deçà de sa concurrente. Malgré quelques échecs de vente cuisants (le Bacon chez Christie’s et un important Basquiat de 1982 chez Sotheby’s), les deux sociétés enregistrent l’équivalent de 263,8 millions de dollars pour l’art d’après-guerre et contemporain, ventes italiennes incluses, un résultat rassurant emporté en quelques heures. Dans les deux semaines à venir, le marché se déporte à Londres (Ventes de photographie) puis à Paris, où les deux mastodontes misent cette fois sur ”l’effet Fiac” pour leurs ventes d’avant-garde, d’impressionnisme et d’art moderne prévues entre le 19 et le 23 octobre 2017.